Peintures et digressions

Je n’y connais rien en peinture, pas assez, et j’ai l’impression de regarder avec envie et retenue polie et craintive certaines œuvres. J’ai bien des préférences, des images qui m’habitent complètement, comme des chocs et des évidences. La Jeune fille endormie de Renoir, vu dans un musée, estomaqué par cette candeur lascive. La jeune fille à la perle de Vermeer m’émeut dans de grands mouvements intérieurs que beaucoup de femmes aimeraient provoquer. L’Ophélie de Millais me sidère. Que n’a-t-on pas pu sauver si belle femme avant qu’elle ne se noie ?!

J’ai vu l’été dernier des portraits peints que je ne connais pas, inculte que je suis, et qui pourtant m’ont laissé, là, fasciné. De beauté !

Je viens de voir plusieurs documentaires, l’un sur Rothko, un autre sur les impressionnistes, encore un à-propos d’Edward Hopper. D’autres encore, oubliés depuis. Je suis soufflé par leur sens de l’observation, que je tente bien maladroitement de capter dans mes photos. Penser ici à un certain maniérisme dans le jeu des mains, dans les regards, dans la captation d’une lumière, dans les masses colorées. Essayer. Un peu. À ma mesure, de faire plus que de me contenter d’appuyer mécaniquement sur un bouton, mais faire image-pensée. Et ce faisant, traduire mon émotion. Alors qu’on ne me le demande pas, surtout pas dans mon travail. Ne compte que le ça a été, et toute autre velléité sera suspecte et parfois durement combattue.

Les gens ont des attentes très, très convenues de ce que doit être une photo. Je n’ose imaginer ce que devait être le métier de peintre à l’époque ! Alors je décide, comme en écriture d’ailleurs, de stratégies d’évitement. Dire sans dire, faire sans faire. Contrarié, mille fois, mais j’essaye dans cette contrainte de broder malgré tout mon petit motif, fut-il ténu, saugrenu, mais de le piquer quand même, presque comme un signe de résistance. Et de continuer à être curieux, et de continuer de distiller de ci, de là, de petites références. L’air de rien. Doucement. Amoureusement.