Making-of

Paramentique sacrilège
Jean-Baptiste Carhaix

Jean-Baptiste Carhaix est intimidant.

Par son personnage et son œuvre, mais aussi par sa vie et ses prises de positions. Début 2017, alors qu’il photographie ma fille dans le cadre du projet Paramentique sacrilège, il me demande de faire des photos de ses prises de vue. N’ayant pas la carrure de ce Monsieur, je n’en mène pas large. Faire des photos, donc… La séance se déroule un samedi. Je passe le reste du week-end à développer ces photos pour les lui transmettre au plus vite. Je ne me doute pas un seul instant des conséquences : coup de fil enthousiaste tard le dimanche soir pour me dire qu’il souhaite voir exposer mes photos à côté des siennes, dans son exposition. Rien que ça.

Intimidant.

Je l’accompagne, donc, lors de quelques séances. Lui photographie désormais en couleur. Pour conjurer la Mort. Celle-là même qui sert de fil rouge à son œuvre depuis ses débuts. Cette Mort rôde et façonne complètement sa dernière création, et je tiens à l’invoquer. En outre, il m’est impossible de puiser dans sa palette colorée sans faire redite. Et bien sûr, j’ai en tête les premières photographies qui l’ont fait connaître : ses magistrales Sisters of perpetual indulgence. Comment ne pas y faire allusion ?

La mise en scène, les artifices, les différents dispositifs d’éclairage, tout ce qui constitue un studio de prise de vue finit d’encombrer un appartement déjà transformé depuis fort longtemps en cabinet de curiosité. Et, là, dans cet écrin à la place comptée, ses modèles sont dirigées, habillées de chasubles pétantes de couleurs, de luxuriantes couronnes de fleurs. Elles s’autorisent ainsi à se laisser délicatement piéger dans l’acte créateur de Jean-Baptiste. Je deviens donc photographe de plateau, parfois assistant. J’essaye de comprendre ses volontés, n’y parvenant pas vraiment toujours pour être honnête.

Ce sont donc ces différentes contraintes que j’ai cherché à montrer, faisant mienne cette règle d’or de Sébastien Calvet (photographe-reporter à Libération pendant de nombreuses années), à savoir se servir du décor pour structurer son image et lui donner ainsi plus de force. Se servir de ce manque de place, de ce capharnaüm et multiplier les angles de vue pour tenter de capter bien plus que l’ambiance, mais aussi cette idée de Mort rodant, défiée à chaque nouvelle posture du modèle. Car c’est un combat dont je suis témoin. Un furieux combat mené jour après jour pour rester debout. Vivant.

Troublant tout autant que fascinant.