Galerie de portraits

Ma sœur : tout l’opera rock avec tous ses foutus guitar heroes, le glam rock et son rimmel débile et les rifs et les solos à n’en plus finir que le mec, tu te demandes comment il a pas mal aux doigts à force de se branler sur son manche comme un hystérique et que t’as juste envie de débrancher la sono pour qu’il la ferme. Parce que c’est d’un chiant. Et surtout vide de sens à force.

Ma sœur, l’autre : toute la musique ethnique de trop c’est bien la world music, ça te connecte au monde quoi – tire sur son joint – en mode peace and love baba pas cool qui connaît tout sur tout que le grand capital, c’est le mal. Pas de nuance. Jamais. Et elle, elle se range du côté des bons, bien évidemment. C’est tellement plus facile et rassurant.

Ma mère : je ne sais pas. À part le glouglou de la bouteille qu’elle vidait, je ne vois pas… Sale son.

Ma grand-mère : toute le scène rive-gauche de l’après-guerre, la chanson à texte, humaniste et littéraire. Avec l’odeur de la naphtaline et les napperons hyper blancs. Figé. Noir et blanc suranné.

Mon père : la chanson contestataire de Loé Ferré, communiste et engagée, beatnik à sa façon, éternel soixante-huitard attardé, retardé, tendance Mao sans remise en question. Des arrangements emphatiques, qui en font des tonnes dans le larmoyant que ça va t’as compris, pas la peine d’en rajouter, ben si, ça continue, encore et encore, et là la trompette et là les cordes et là, argl ! Pied-de-poule et costume en tergal mal coupé. Mal rasé. Dépassé depuis longtemps faut dire le zigue.

Moi ? Un ami un jour en découvrant les Sleaford Mods m’a dit, j’ai immédiatement pensé à toi. Sale gosse, regard noir, colère contenue, prête à déborder, mauvais temps, froid et humidité, odeur de bière et de tabac froid, aussi, mais l’œil qui frise dès qu’il y a une connerie à dire ou à faire. Pas vraiment méchant, mais à qui on ne la raconte plus. Fini depuis un bon bout de temps l’innocence. Rudesse de la lucidité. Et pluie infinie. Du Ken Loach quoi. Pas de fioriture. Je ne suis pas là pour la déco de toute façon.

Elle : elle, elle me fait penser aux chansons de Prince, pour ses rythmes et ses arythmies, son slap, cette façon particulière d’attaquer les cordes à la guitare pour en faire un son percussif, sa douceur et son élan, sensuel, la fluidité de sa vitalité. En un allant de vie qu’il est beau d’entendre, à accompagner, parfois au piano. Plus calmement. Mais toujours avec ce petit brin de douce folie des morceaux de Chilly Gonzales.