Faire malgré tout

Projet d’une jeune artiste autour du thème, « quel est ton rêve ? »
Quelque temps plus tard, ici, « le plus gros projet de ma vie ».

Bon, visiblement, on tourne autour du même pot et moi, ça m’interroge. Je me suis toujours méfié de mes rêves, car souvent déçus malgré l’énergie colossale mise dedans. Et pourtant, tout en même temps, à la hargne, j’ai persévéré. Bon, ça donne des machins assez de traviole pour être honnête. Disons qu’avec ça, là, tout ce foutoir, compliqué de trouver une place, de me sentir légitime. Je suis devenu photographe (classification : bon point), mais chaque jour qui passe, me montre, que dis-je, me démontre que je n’y connais franchement pas grand-chose à ce métier (classification : euh… punaise, on part de loin !).
Donc voilà, résumé sommairement mon charmant petit bordel avec lequel je dois me débattre chaque jour. Avec sa petite cohorte de manque de confiance en soi et tout le tintouin.

Mon rêve, s’il se réalisait, pourrait peut-être réduire ce sentiment de manque de confiance en moi, pourquoi pas. Sauf que si je regarde bien, d’une, ça m’oblige à être tout le temps dans le doute – jusque-là, plus que logique – et donc à me poser mille questions. Et aussi à être visiblement beaucoup plus spontané dans mes prises de vues par rapport à un professionnel de la profession. Y paraît que c’est un sacré atout dans ma manche. Si j’essaye de tirer une synthèse de tout ça, il faut que je reste comme je suis, spontané donc et que malgré tout, j’apprenne ce que je ne sais pas. Et aucune école ne m’apprendra jamais ça. Seulement par la pratique, la pratique et la pratique. Et rien ne va être vraiment confortable là-dedans. Jusqu’au bout du bout, je sais que je douterai. Inconfort total.

Bref, ce ne peut pas être un rêve ou un projet de carrière. Mort, cramé. Je sais juste, dès à présent, que je vais en baver pour un résultat incertain. Ça donne envie, non ?
Donc mon rêve ? Mon plus gros projet ?

Construire, avec mon petit salaire, un vrai lieu chez moi. Cuisine, salon, chambre, atelier, salle de bain. Et je ne peux pas compter sur mon chat, au contraire même, vu l’usine à connerie que peut-être cette sale bête (oui, mais vous ne la connaissez pas, donc bon). Pas de voyages, de toute façon, pas dans mes moyens. Juste améliorer mon quotidien et être bien chez moi. Comme hors du temps. En ligne de mire, cet atelier. Je me donne environ cinq ans pour y parvenir. Dessin, à la main ou numérique ; photo, argentique ou numérique, avec un studio de prise de vue ; et écriture. Cinq ans pour acquérir certains savoirs, acheter le matériel pour enfin jouer. Et peut-être, je dis bien peut-être, commencer des projets que j’ai en tête depuis mon adolescence… Pour être honnête, pas sûr d’y arriver, mais tendre le plus possible vers ce but, même si, et je le sais, je vais bien en baver.

La bagarre continue quoi, moi qui ai passé des années à lutter pour survivre, je m’installe dans un autre combat, celui d’essayer de tout faire pour que finalement mes rêves de gosse se réalisent. Ça en aura mis du temps, et ça en demandera encore, et des sacrifices aussi. Encore.
Pour les autres, très prosaïques, pouvoir mieux me fringuer, avoir une – petite – voiture sympa et bouger plus librement. Si, enfin pouvoir constituer ma bédéthèque idéale !
Pour les amis, avec ma défiance à tout crin, disons que c’est compliqué. Quelqu’un dans ma vie ? Encore plus compliqué ! Disons que je ne compte plus dessus depuis longtemps, ce qui est somme toute, assez libérateur. Et je peux promener ma carcasse toute de désinvolture tricottée sans me faire de nœuds dans ma tête, déjà bien trop saturée de nœuds en tous genres de toute façon.

Je n’ai absolument pas comme prétention de réinventer le monde, ni du dessin, ni de la photo, ni de l’écriture. Donc, ça pourra partir direct à la benne. Mes livres, quelques photos d’amis, peut-être les transmettre à un jeune photographe en devenir. Mais le reste, pas de sentiment. Ce n’est qu’un décor qui aura servi à me sentir bien le temps de mon passage dans la vie. Et rien d’autre. J’ai peur de la mort comme tout le monde, mais je comprends sa raison d’être et je l’accepte. Et ce serait m’accorder bien trop d’importance que de me soucier de l’après, des souvenirs que je vais laisser, avec ces bibelots et autres colifichets somme toute bien dérisoires. Même si je les ai choisis avec un soin tout particulier pour me sentir avec eux suffisamment à l’aise pour tenter de créer.
Mais somme toute, tout cela est d’un dérisoire ! Mais je n’ai que ça, ce dérisoire, pour vivre dans un état de pas trop mal. Alors je l’investi. Même si ça prend du temps, même si le résultat est plus qu’incertain, même s’il faut pour cela renoncer à beaucoup de choses. J’essaye juste d’être en accord avec moi. Simplement.