Douce vengeance

Je suis là, comme un con, les yeux dans le vide à fixer ma télé qui débite ses programmes débiles quand, avec vigueur, la cloche de la porte sonne. Mais quel est ce plouc à la con encore ?! Pas faute de renvoyer systématiquement les témoins de Jéhovah et autres vendeurs d’illusions se faire esquinter le sphincter, mais ailleurs, loin et vite et surtout pas par moi, pas envie d’attraper des saloperies ! J’ouvre, furibard, vous imaginez bien, le chat s’étant courageusement carapaté à l’autre bout de l’appartement, et, j’entends « Mouhaha ! » avant de la voir, c’te grignette façon Harley Quinn. C’est quoi ce cirque encore ? L’œil noir, bouche en un seul trait, visage fermé, j’attends qu’elle se calme, ça lui demande un peu de temps quand même. Un silence, constitué de morceaux de gêne finit par s’installer entre nous, et elle finit par me demander penaudement si elle est bien à la bonne adresse pour l’assouvissement de la vengeance 0013-DTG-PDM. Et là, c’est moi qui ai du mal à embrayer dans un océan de silence. Enfin, ça connecte, avec un peu de mal tout de même. Mais ça fait vingt ans que je vous attends, bordel de merde ! Ben wi, mais vous comprenez, pour que la vengeance soit froide aussi, il faut savoir attendre qu’elle me fait. Elle m’agace, mais elle m’agace ! Je l’attrape fissa par le bras, la secoue pour la forme avec des sgreugneugneu qui vont bien, et la fait rentrer pour qu’on cause un peu. Non mais oh. Elle est assise, toute droite, un peu confuse, sort ses documents, et me rappelle les modalités de la prestation demandée : un sac de jute, noire, c’est très important pour la symbolique, neuf chats, ne cherchez pas, c’est en référence au chat à neuf queues, une petite gourmandise personnelle, avec une étendue d’eau, bien profonde et bien froide si possible, à la nuit tombante, pas de parpaing, on n’a pas le budget de C’est arrivé près de chez vous, et pis ça fait plus psychopathe de la mort qui tue le fait de donner un peu d’espoir, avec une petite bulle d’air, là, comme il faut, et bien sûr, à la façon de Bernie, une poêle ou une pelle, pleine tronche, rageusement, avec des gros blong ! blong ! ou des klonk !, à discuter, je pense qu’on est bon là. Oui, oui, tout à fait, je me rappelle. Seulement, c’est que vous arrivez trop tard. Re-silence. Et timidement, je peux vous demandez pourquoi ? c’est pour améliorer notre expérience client qu’elle bredouille en marmonnant entre ses lèvres qui tremblottent. C’est que je n’en ai plus rien à battre de l’autre folle-dingue à la noix, je vis ma vie. C’est un truc que j’ai fini par apprendre, à force de vous attendre, là, comme un gueux, avec mon chat débile, mais néanmoins un peu, pas trop, affectueux, ma télé débile, aussi, beaucoup elle, et mes voisins, encore plus débiles. Je vis ma vie. De con, sûrement, mais au final, elle me suffit, alors votre formulaire, vos prestations, je pfff… voilà, pfff… plus rien à cirer. Elle me regarde avec les yeux remplis de larmes, la tchiotte, que ça m’émeut, pis elle est jolie, là, mon Harley Quinn, alors je lui propose de boire un petit verre pour se requinquer, lui redonner du rose aux joues, puis deux, et on discute un peu, elle reste pour dîner, et puis un peu plus et nous partageons désormais notre vie, avec le chat Méphistophélès.