Atelier d’écriture #6

1 – Cette affiche vous inspire et vous décidez de l’envoyer en carte postale à un ou une amie en lui écrivant quelques mots

Affiche de la 34e édition d’Étonnants voyageurs le 18, 19 et 20 mai 2024 – Miles Hyman

Depuis 2023, et pour 3 ans, Étonnants voyageurs a confié la création de son affiche à l’artiste franco-américain Miles Hyman. Cette deuxième illustration originale nous emmène au milieu des icebergs, dans un hémisphère indéterminé, où une lectrice a embarqué pour un voyage à destination inconnue aux côtés de surprenants compagnons. Une épopée onirique qui nous invite à suspendre le temps, nos imaginaires à la barre de l’espoir de, peut-être, voguer vers des flots plus favorables.
Le voyage alimente énormément mon imaginaire visuel. Qu’il soit réel ou fictif, ils se confondent – Miles Hyman

Chère Amie,

Une image prise du bateau lors de notre circumnavigation autour du monde, ici au pôle Nord, fini les aurores boréales, le réchauffement climatique rougit les cieux. Malgré les glaces, je puis me promener sur le pont en T-shirt accompagnée de nos amis manchots embarqués pour, plus tard, découvrir l’équateur.
J’espère que la vie dans les dunes de Paris ne comporte pas trop de tempêtes de sable.

Bises,

Laura


2 – vous aussi, vous êtes témoin d’une belle rencontre entre un animal et un être humain. Racontez

Bartabas- Un geste vers le bas – Gallimard – mars 2024

Résumé :
En 1990, Bartabas rencontre Pina Bausch, une chorégraphe et danseuse allemande. Une amitié entre eux se noue, et il lui présente le cheval Micha Figa – le partenaire idéal, selon lui, pour révéler la personnalité profonde de la danseuse. C’est le début d’une aventure initiatique sans pareille, qui durera plus de dix ans. Lors de ces nuits volées, au gré de leurs rencontres, Pina Bausch et Micha Figa tissent un lien qui aurait dû déboucher sur un spectacle attendu. La vie en a voulu autrement. Restent les moments de grâce qui ont échappé aux projecteurs, et dont Bartabas, qui en fut l’unique témoin, nous livre ici le récit halluciné. Un geste vers le bas, hommage d’un artiste à une autre, nous entraîne dans les coulisses de la création, et raconte ce qui peut se jouer d’irrationnel et de sublime entre l’homme et l’animal.

Extrait :
Micha Figa fait face à Pina Bausch, sabots plantés à l’aplomb de lui-même en signe d’interrogation. Question muette à laquelle elle s’efforce de répondre avec les mots de son corps. Ses bras se tendent vers lui. Hypnotisé par le mouvement de ces mains aussi légères que l’air, le cheval lance la tête dans un mouvement oscillatoire, qui peut à peu entraîne son encolure et ses épaules. Par une communication élémentaire, retournement du jeu du miroir, il invente un vocabulaire. Ces mouvements de bras, offrande de liberté, il les accompagne maintenant de toute l’ampleur de son avant-main avec la persévérance de l’être qui s’accomplit en accord avec l’autre. Ils se tiennent par les yeux, ils se respirent l’un l’autre organiquement. Ils ne s’imitent pas, mais créent au naturel.
Chez l’homme comme chez l’animal, chaque geste dévoile un sentiment. Les sillages qu’ils creusent par le mouvement de leurs corps sont plus que des prières.
Cette nuit, je sais que ce ne sont pas mes yeux qui ont vu, mais mon cœur qui a déterré un poème enseveli.

Il est nuit. Froide. Il a plu et l’herbe luit de vert dans les cônes de lumière jaune des lampadaires. Il est gris anthracite de tristesse et se dirige fébrile de fatigue et de trop de café noir vers sa voiture. Tache fauve. Il reconnaît immédiatement l’animal. Se fige. S’accroupit pour casser sa silhouette et regarde en biais le renard à quelques mètres seulement. Prudent. Mais pas inquiet. Étonnamment. Aucun bruit, la ville dort, aucun mouvement. Seuls ces deux êtres de solitude qui par le plus grand des hasards se sont croisés. Ils se regardent. Le renard hume chaque brin d’herbe sans plus se soucier de sa présence et lui, dans ce temps suspendu, est instantanément ailleurs, loin des odeurs d’hôpitaux et de mort aigre qu’il vient de quitter. De se souvenir du Petit Prince… S’il ne l’avait pas été pour cette mère mal aimante, la vie lui rappelait dans une douce poésie muette qu’il était bien un Petit Prince. Même lorsque ce renard sera reparti dans les noirs mystères de la nuit.

3 – À votre tour d’écrire un texte ayant pour titre Si

Jean-Luc Moreau – Si

Jean-Luc Moreau est un écrivain, poète, universitaire et traducteur français né à Tours le 2 octobre 1937. Après son bac, il fait des études à la Sorbonne, et à l’École des langues orientales vivantes. Il continue ses études en Pologne et fait un stage à Moscou (1959). Il est éminent linguiste : hongrois, polonais, russe, albanais, finno-ougrien… et est un des fondateurs de la revue de poésie la Bételgeuse. Il a publié de remarquables traductions poétiques et est l’auteur de récits, essais et nombreux livres pour la jeunesse. Son premier recueil de poésie est Moscovie en 1964. Il a reçu de nombreux prix de poésie Ronsard, Verlaine, Tzara…

Si la sardine avait des ailes,
Si Gaston s’appelait Gisèle,
Si l’on pleurait lorsqu’on rit,
Si le pape habitait Paris,
Si l’on mourait avant de naître,
Si la porte était une fenêtre,
Si l’agneau dévorait le loup,
Si les normands parlaient zoulou,
Si la mer Noire était la Manche,
Et la mer Rouge la mer Blanche,
Si le monde était à l’envers,
Je marcherais les pieds en l’air.
Le jour je garderais la chambre,
Deux et un ne feraient plus trois…
Quel ennui ce monde à l’endroit !

Si j’étais une fleur,
Si mon cœur était accessible,
Si je préférais être une grenade,
Si je n’avais jamais de pépin,
Si je n’éclatais pas dans ta bouche,
Si le rouge n’était que passion,
Si la chair n’était pas sucrée,
Si ta peau effleurait la mienne,
Si nous n’étions que mouvement,
Tout les deux notre envol.

4 – Commencer par « Je suis content » et insérer les mots dictés par surprise au fur et à mesure de l’écriture

Je suis content de mon travail photographique et des retours qui ont été fait, même si trimballer de partout mon sac à dos lourd comme un crocodile m’a bien fatigué. Je me souviens surtout de mon plaisir élastique à courir d’une scène à l’autre, à m’en défriser les moustaches sur mon petit vélo. Mais en cette fin de semaine, épuisé malgré tout, je contemplerai les étoiles avant de sombrer dans un sommeil juste.