Atelier d’écriture
1 – Le portrait chinois
Si j’étais un objet, je serais un appareil photo
Si j’étais une saison, je serais le printemps
Si j’étais un plat, je serais le couscous de mon enfance
Si j’étais un animal, je serais un faucon crécerelle
Si j’étais une chanson, je serais Dirty boots des Sonic youth
Si j’étais une couleur, je serais rouge garance
Si j’étais un livre, je serais Vipère au poing
Si j’étais un film, je serais The fabelman de Spielberg
Si j’étais un endroit, je serais au bord de mer, en Vendée
Si j’étais un oiseau, je serais un grand albatros
Si j’étais une musique, je serais Les impromptus de Schubert
Si j’étais un végétal, je serais un délicat coquelicot
Si j’étais un fruit, je serais un abricot
Si j’étais un mot, je serais tintinnabuler
Si j’étais une célébrité, je ne serais pas connu.
Si j’étais un vêtement, je serais un maillot de bain
Si j’étais un instrument de musique, je serais un violoncelle
Si j’étais un jeu, je serais un solitaire avec ses billes de pierre
Si j’étais une œuvre d’art, je serais La jeune fille à la perle de Vermeer
Si j’étais un chiffre, je serais le 5
2 – Écrire un texte commençant par « que dire ? »
Née Andrée Saab le 20 mars 1920 au Caire et morte le 6 février 2011 à Paris, Andrée Chédid est une femme de lettres et poétesse française d’origine syro-libanaise. Si l’amour était l’essence de sa vie, l’écriture fut sa raison d’être. Elle le pratique depuis l’âge du pensionnat jusqu’en décembre 2010 où parut son dernier recueil de poèmes, L’étoffe de l’univers. Après son mariage en 1942, elle choisit Paris pour y vivre et écrire. Le déracinement, voulu, était pour elle une manière de faire exister ailleurs ce quelque chose qu’elle revendiquait de ses années d’enfance. En 1943, elle est partie vivre au Liban avec son mari. Elle a publié son premier recueil de poésie, en anglais, On the trail of my fancy, sous le pseudo A. Lake. En 1946, elle s’est installée définitivement à Paris avec son mari et a acquis la nationalité française. Elle a opté alors définitivement pour la langue française, dans laquelle elle publiera le reste de son œuvre. Ébranlée par les massacres de la guerre du Liban, elle traite de la violence où qu’elle soit, tuant des innocents partout dans le monde. Sa religion était celle d’un Dieu qui écoute toutes les voix. Elle a reçu plusieurs prix :
1976 – Prix Mallarmé pour les recueils de poésie Fraternité de la parole et Cérémonial de la violence
1979 – Prix Goncourt de la nouvelle pour Le corps et le temps
1990 – Grand prix de la poésie de la Société des gens de lettres
2002 – Prix Goncourt de la poésie
Ella a aussi été décorée comme Grand officier de la Légion d’honneur le 12 avril 2009
À la fin de sa vie, elle a été atteinte de la maladie d’Alzheimer. Son fils, Louis (la chanson Maman, maman), puis son petit-fils Matthieu, alias M, (dans Délivre), évoquèrent tous deux la maladie de l’auteur. Elle-même la évoquée dans son dernier recueil de poème L’étoffe de l’univers. Sa tombe au cimetière du Montparnasse porte une citation de Chrétien de Troyes, Le corps s’en va, le cœur séjourne, qu’elle avait mis en exergue à son à son dernier roman, Les quatre morts de Jean de Dieu.
Que dire ?
Que dire
Des trouées et de l’âme
De la glisse des pensées
Des dérapages du sens
Que dire
Du corps qui se rénove
Par la grâce d’une parole
Le secours d’une caresse
La saveur d’une malice
Que dire
Des jours si vivaces
Des heures si tenues
De la geôle des mots
De l’attrait du futur ?
Que dire
De l’instant
Tantôt ennemi
Tantôt ami ?
Que dire ? Le bâillon sur la bouche m’empêche de parler intelligemment, ce qui n’arrête pas mon bourreau qui me saoule de coups. Alors plutôt que de dire, je ne peux que geindre à chaque volée dans un mélange de larmes, de morve et de sang. Au bout d’un moment, il s’arrête. Alors ma tête pend sur mon torse sans force et une plainte ténue de douleur crisse dans le silence. Il me débâillonne et me demande alors tu vas parler ? Tu vas dire où sont planqués tes complices ? À part inventer ce que je ne sais pas, je ne peux rien dire…
3 – Vous aussi, vous traversez une ville où tout le monde fait la même chose, racontez
Né le 9 novembre 1922 à Mouscron en Belgique et mort le 15 juin 2006 à Saint-Rémy-lès-Chevreuse dans les Yvelines, Raymond Devos est un humoriste franco-belge. Il est resté célèbre pour ses jeux de mots, ses qualité de mimes, son goût pour les paradoxes cocasses, le non-sens et la dérision.
Où courent-ils ?
L’artiste (entrant) :
Excusez-moi, je suis un peu essoufflé !
Je viens de traverser une ville où tout le monde courait…
Je ne peux pas vous dire laquelle…
Je l’ai traversée en courant.
Lorsque j’y suis entré, je marchais normalement,
Mais quand j’ai vu que tout le monde courait…
Je me suis mis à courir comme tout le monde…
Sans raison !
À un moment, je courais au coude à coude avec un monsieur…
– Dites-moi… pourquoi tous ces gens courent-ils comme des fous ?
– Parce qu’ils le sont ! Vous êtes dans une ville de fous ici… vous n’êtes pas au courant ?
– Si, des bruits ont courus !
– Ils courent toujours !
– Qu’est-ce qui fait courir tous ces fous ?
– Tout ! Tout ! il y en a qui courent au plus pressé… d’autres qui courent après les honneurs… celui-ci court pour la gloire… celui-là court à sa perte !
– Mais pourquoi courent-ils si vite ?
– Pour gagner du temps ! comme le temps c’est de l’argent… plus ils courent vite, plus ils en gagnent !
– Mais où courent-ils ?
– À la banque. Le temps de déposer de l’argent qu’ils ont gagné sur un compte courant… et ils repartent toujours en courant pour en gagner d’autre !
– Et le reste du temps ?
– Ils courent faire leurs courses… au marché !
– Pourquoi font-ils leurs courses en courant ?
– Je vous l’ai dit… parce qu’ils sont fous !
– Ils pourraient tout au si bien faire leurs courses en marchant… tout en restant fous !
– On voit bien que vous ne les connaissez pas ! d’abord, le fou n’aime pas la marche…
– Pourquoi ?
– Parce qu’il la rate !
– Pourtant j’en vois un qui marche !?
– Oui, c’est un contestataire ! il en avait assez de toujours courir comme un fou. Alors il a organisé une marche de protestation !
– Il n’a pas l’air d’être suivi ?
– Si ! mais comme tous ceux qui le suive courent, il est dépassé !
– Et vous, peut-on savoir ce que vous faites dans cette ville ?
– Oui ! moi, j’expédie les affaires courantes. Parce que même ici, les affaires ne marchent pas !
– Et où courez-vous là ?
– Je cour à la banque !
– Ah !… pour y déposer votre argent ?
– Non ! pour le retirer ! moi je ne suis pas fou !
– Si vous n’êtes pas fou, pourquoi restez-vous dans une ville où tout le monde l’est ?
– Parce que j’y gagne un argent fou !… c’est moi le banquier !
J’arrête ma voiture sur le bord d’une route. De toute façon, il n’y a plus d’essence, obligé de poursuivre à pied. Je traverse les zones pavillonnaires et les banlieues. Alors que je m’attendais à trouver des rues vides en ce matin bleu, les gens sont dehors, ne parlent pas et semblent interdits. Je remets la bretelle de mon sac sur l’épaule et continue ma marche vers le centre-ville et je croise de plus en plus de ces gens observant les cieux. Pour le moment, les nuages et le soleil qui peine ressemblent à un banal ciel d’hiver, pourtant les personnes fixent le même point lointain, tendus. Je dois poursuivre, je dois porter mon paquet avant qu’il ne soit trop tard. La foule devient plus dense, les gens ne me regardent pas, obnubilés, inquiets qu’ils sont par le vide des cieux. Je me mets à courir, c’est impératif, ce paquet doit parvenir au centre de commandement, car bientôt, les vaisseaux spatiaux seront là et la foule pourra enfin voir à quoi ressemblera leur destruction.
4 – Commencer par « je sais » et insérer les mots dictés par surprise au fur et à mesure de l’écriture
Je sais où sont rangé les ustensiles de cuisine, les denrées ; les champignons, les oignons et cetera. Le chameau ! Il a tout rangé, impossible de trouver les poireaux et je vais être en retard chez le coiffeur. Rien ne sera prêt pour la fête annuelle au club sportif de natation, à la piscine.
