Atelier d’écriture
1 – La demi-conversation
Après lecture de cette demi-conversation téléphonique entre deux personnes, inventez les répliques manquantes.
– Je vais le bousiller !
– Tu es malade !
– Je vais l’éparpiller façon puzzle !
– Ça va faire du bruit.
– Je suis vert de rage !
– Vert ?
– Oui, vert ! Comme un alligator !
– Et brillant…
– Quoi ?
– Quand passes-tu à table ?
– Là, maintenant, maman a préparé de la blanquette.
– Ah ! Quel pied !
– Oui, elle est bien bonne maman, un vrai cordon…
– C’est ça, c’est le bleu.
– …
– Le double, je l’ai !
– …
– Trois.
– …
– Mon trésor !
– …
– Très, très, très vite.
– …
– Sans faute !
– …
– Tu pousses un peu !
– …
– C’est le cirque, je dois raccrocher.
– …
Visiblement, je n’y suis pas très bien arrivé…
2 – commencer par la phrase « aujourd’hui je n’ai rien fait »
Roberto Juarroz – Treizième poésie verticale (traduction Roger Munier, José Corti – 1993)
Extrait p120 / 121
Aujourd’hui je n’ai rien fait.
Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.
Des oiseaux qui n’existent pas
Ont trouvé leur nid.
Des ombres qui peut-être existent
Ont rencontré leurs corps.
Des paroles qui existent
Ont recouvré leur silence.
Ne rien faire
Sauve parfois l’équilibre du monde,
En obtenant que quelque chose aussi pèse
Sur le plateau vide de la balance.
Aujourd’hui, je n’ai rien fait.
Rien. Absolument rien. Plus l’énergie. Plus la force. J’ai fini hier ce que je devais faire et que je m’échine à aboutir depuis des semaines avec un sentiment amer de vacuité et d’inutilité. Mais hier soir, tard, j’y suis enfin arrivé. Mauvaise nuit. Les nerfs. Et ce matin rien. Un café. Le chat qui se pelotonne tout en vibration ronronnante et moi affalé dans mon canapé. L’esprit vide. Je regarde d’un air absent mon chez-moi, sans dessus-dessous et je me dis qu’il va falloir tout refaire, en sens inverse dans un mois. Je suis vide et je caresse le chat, bois mon café froid, allume la télé pour écouter les informations plus entendues depuis des semaines. L’impression de revenir dans le monde, fut-il tragique.
3 – Prise de risque
Khalil Gibran (1883-1931) – La peur
On dit qu’avant d’entrer dans la mer,
Une rivière tremble de peur.
Elle regarde en arrière le chemin
Qu’elle a parcouru, depuis les sommets,
Les montagnes, la longue route sinueuse
Qui traverse des forêts et des villages
Et voit devant elle un océan si vaste
Qu’y pénétrer ne paraît rien d’autre
Que devoir y disparaître à jamais.
Mais il n’y a pas d’autre moyen.
La rivière ne peut pas revenir en arrière.
Personne ne peut revenir en arrière.
Revenir en arrière est impossible dans l’existence.
La rivière a besoin de prendre le risque
Et d’entrer dans l’océan.
Que la peur disparaîtra,
Parce que c’est alors seulement
Que la rivière saura qu’il ne s’agit pas
De disparaître dans l’océan,
Mais de devenir océan.
Il était là, les pieds trempés, dans des grolles trouées, son sac Prisu à la main, sous la flotte, à peine protégé par son imperméable mastic et un parapluie plus en très grande forme. Le calva avalé, à jeun juste avant de venir, là, devant cette foutue porte, remuait dans l’estomac et finissait de lui tourner la tête. Pendant des semaines, il s’était admonesté pour finir et honoré ce rendez-vous obtenu un peu par hasard. Et là, non, il renâclait, refus d’obstacle, comme un con sous la pluie.
C’est sans réfléchir que sa main, le doigt tendu, se leva et sonna à la porte de la maison d’édition.
4 – commencer par « j’ai envie de » et insérer les mots dictés par surprise au fur et à mesure de l’écriture
J’ai envie de me promener, le nez au vent, libéré de mes soucis, d’ouvrir mon panier après m’être assis dans l’herbe et de manger comme un lion mon sandwich préparé ce matin, dans l’impatience de ce moment, en fourrant dans mon sac mon maillot de bain pour une baignade bien méritée. Au dessert, des myrtilles sucrées avec mon café. Je pense aux genoux de Claire et mon esprit se met à vagabonder sur notre rencontre pleine de fous rires.
