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Regarde la poussière tomber
Qu’est-ce que j’peux faire ? J’sais pas quoi faire !
C’est décidé, j’ai décidé de faire la gueule à mon chat, qu’il se foute de moi, déjà, c’est moyen, mais qu’il passe une après-midi entière à faire l’intéressant à mes dépens, juste pour quelques caresses, que j’aurais bien aimé avoir au lieu de, bref. Jaloux, moi ? Naaan ! Moi, jaloux d’un foutu chat ! teuteuteuh ! Et puis quoi encore ! Nan, juste vexé, voilà, vexé.
Alors on fait chambre à part, lui dans mon lit, moi dans le canapé. Simple.
Et je regarde la televisão. Ce triangle des Bermudes des neurones. Le moral en chuuute liiibre dans mes chaussettes. Le calcif en berne. On sonne à la porte. J’y vais, en traînant les pieds. J’ouvre. Là, un type, gris, tout, tout gris, le poil, la peau, les vêtements, tout est gris. Même la boîte à pizza. Celle que j’ai commandée il y a déjà deux heures. Avec des bières. Dans un sac gris. Je règle, mais il reste, là, sur le paillasson, alors ne sachant pas trop quoi lui dire, je l’invite à rentrer et à regarder le match de tennis ou de foot, non, c’est du vélo. De toute façon, je m’en fous.
Le chat passe, interloqué, et préfère se tirer, grand bien lui fasse. De toute façon, je lui cause plus. Et nous restons là, dans un silence gêné. J’ouvre la boîte, découpe la pizza, froide, en propose au type gris, ainsi que de la bière, chaude, et il accepte, en hochant la tête mollement. On mange, lentement, on boit, lentement, sursautant pendant les pubs, trop fortes, toutes les dix minutes. Et l’après-midi se passe ainsi, dans un ennui mortel. Au moment de partir, il me fait : j’ai passé un excellent moment en votre compagnie, je ne me suis jamais autant ennuyé et pourtant, c’est mon métier, mais là, on a atteint des sommets, je vais le noter d’une pierre blanche dans mon calendrier pour ne jamais oublier un jour pareil. Je hausse les épaules, je crois que je m’en fous en fait. Et pour une fois depuis bien longtemps, je suis d’accord avec mon chat, qui daignera, après son départ se caler sur moi comme une enclume d’à peine cinq kilos pour ronfler. Mon chat ronfle. Ou ronronne, je ne sais jamais. Et je ne dormirais jamais aussi bien. Ça faisait bien longtemps.
