À votre porte se trouve…

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Raison tordue

En vrai, ça passe

On ne sait pas ce qu’est devenue cette guignole, et en vrai, mon chat et moi, on s’en fout. Et pas qu’un peu, même carrément. Aussi, qu’elle ne fut pas notre surprise d’être convoqué, mon chat et moi, à notre domicile dès le lendemain par la Raison. Je suis las, là dans ma cuisine, lettre à la main, clope au bec, boutanche de bière à la main. Et un seul neurone pour essayer de comprendre la situation. Qui de fait m’échappe. Complètement. Ce doit être encore ces voisins crétins qui ont encore dû baver sur mon compte. Faudrait tout de même que je comprenne où qu’ils la trouvent toute cette énergie pour autant de médisance, ces gougnafiers, parce que perso, je ne médis que contre mon chat et ça me bouffe déjà une énergie complètement folle ! Faut pas croire ! Alors un type dans mon genre, dix-huit fois plus gros (si mes calculs au doigt mouillé sont justes, et rien n’est moins sûr), mal attifé avec son calcif et ses chaussettes (on peut être mal attifé et en être lucide, je vous ferais dire), je ne vous dis pas l’énergie que ça doit leur bouffer, je dois leur être un vrai gouffre énergétique, classement G ! À moins que ce soit compensé par un statut social qui leur donne l’importance que sinon ils n’auraient pas… J’appelle ça marcher sur la gueule des autres, dans une espèce de compétition plutôt ridicule d’ego dont perso, je me fous allégrement. Car étant infantile au possible. Mon chat, qui n’est qu’un chat après tout, me réclame encore à bouffer. Lui aussi, je ne comprends pas, comment il peut autant bâfrer, chez moi et chez la voisine, et être aussi peu épais. Il en est des choses, décidément, qui échappent à ma raison. Je finis ma bouteille, en décapsule une autre et mon fil logique, si tant est qu’il y en eu un, un jour, se casse. Ou s’embourbe. Je ne sais plus. Et je passe ma journée, ma soirée, ma nuit à boire et à roter et à aller aux tinettes, mon chat peinard dort, lui. Grand bien lui fasse. J’ai un peu mal au coude et aux genoux le lendemain, à force de le lever et de me lever, en plus du crâne et de mes yeux qui piquent un peu, mais j’arrive, en me bouffant certes deux, trois bricoles dans le salon qui se fracassent, à rallier ma porte et à l’ouvrir et à dire un truc qui se voudrait être un salut à une toute rigide, balai dans le fondement inclus. Ce qui finit de me saouler. Et elle entre chez moi, raide comme la justice, avec ses talons pointus qui claquent sur le lino, sa jupe crayon noire et son petit chemisier blanc, légèrement transparent. Comme j’ai plus de quoi écluser, je fume désormais des Gitanes sans filtres, me noyant dans une épaisse fumée bleue que j’aime bien, ça me rend mystérieux et tout. Mais l’autre, là, toute autoritaire, ça ne la fait pas rire. Mais du tout. Et de sortir un feuillet, puis un autre et encore un autre, plein d’autres, et de me faire l’article dans toutes mes déraisons, une par une, la Paix que je torgnole sans façon, à l’angelot de l’Amour que je repeins façon vinasse, la Mort que j’ose ridiculiser, jusqu’à la Folie que j’offre en pâture à mon chat, cette sale bête ! Et elle me regarde sévèrement par-dessus ses lunettes en écailles, son chignon strict ponctuant son visage austère de secrétaire. Là, je ne moufte plus. Et elle m’informe que la punition sera terrible, terrible ! tout en sortant une badine de son maroquin, de quoi aussi m’attacher bien fermement au canapé, ce afin de m’administrer la volée que je mérite en vue de sanctionner ma si mauvaise conduite. J’écarquille les yeux et, à cette annonce, bée la bouche, cette dernière étant prestement bâillonnée d’une boule lacée de liens de cuir. La suite, à décrire ferait honnêtement rougir le Divin Marquis, et de honte, de toute façon, je ne préfère ne pas m’étendre sur les supplices (ô combien délicieux) que cette femme pleine de raison me fit subir (pour mon plus grand plaisir). Que ça ne vous donne pas non plus des idées, au nom de la raison, petits chenapans. Le chat, lui, a préféré partir, chez la voisine, bien entendu. Quel chat chaste.

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