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Elle a le temps puisque pour Elle, il ne compte pas
Wè, wè, wè
Je suis dans mon canapé à lire et à relire le passage d’Hamlet de William Shakespeare, l’acte III, scène 1, extrait, traduit par André Gide dans les Œuvres complètes, tome 2, édition Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, 1959, ce qui ne me rajeunit pas, vu que je n’étais pas né. Et je me dis qu’un petit roi du Danemark a bien compris des choses de la vie et de ses atermoiements folâtres, même si je ne comprends pas, moi, tout de ce qu’il raconte, le Roi, et que j’ai peur de tout embrouiller dans mon petit crâne fort peu rempli et sûrement confus. En-tout-cas, mon chat n’en a strictement rien à foutre que j’essaye de me cultivationner autrement qu’en bavouillant devant la télé, grand bien lui fasse, du moment que je ne bouge pas et qu’il peut faire sa sieste de quatre heures sur mes genoux, pour lui, c’est parfait. Sauf que là, le glas à l’agonie sonne lugubrement à la porte et qu’il faut qu’il vire le chat, va-t’en le chat, mais tu vas foutre le camp oui ! Je me fais insulter en chat, feulement compris, ce qui n’est jamais très agréable faut bien le dire. Sale bête, tu ne perds rien pour attendre, tu vas voir qui c’est qui qui rigole le dernier que je rouspète en ouvrant la porte dans ma traditionnelle tenue calcif-chaussettes.
Mais c’est quoi encore cette pantomime ? J’ai à la porte, je vous le jure (oui, je sais, c’est péché de jurer, mais là, merde !)(oui, je sais, c’est péché de jurer, mais là, euh… bon zut, ça va « zut » ou vous allez m’escagasser encore longtemps comme ça ?!). J’en étais où donc moi encore ? Ah oui, ce qui se trouve à ma porte. Franchement, faut vraiment avoir le cœur et le palpitant bien accroché. Une forme presque humaine de cadavre squelettique dansant sur un de profondis, là, sur mon paillasson, voyons, si ce sont des façons de se trémousser de tous ses os nus devant le nez des gens, et puis à l’improviste en plus. Je fronce du sourcil et la Camarde s’en moque et se moque de moi de toutes ses dents. Comme si je faisais, là, supplique pour être enterré à la plage de Sète, non mais je vous jure ! Mais de son zèle imbécile, la folle animée m’approche et cherche à me baiser, chose que je ne tolère pas, qu’on me veuille me baiser, j’ai mes pudeurs, faut demander d’abord, gentiment, et visiblement je ne veux pas, et je lui réponds d’une pichenette bien sentie, non c’est non. Son nez camus se renfrogne sous la correction, ses orbites creuses et obscures me dardent froidement et de sa bouche Elle me dit, time’s on my side. Merde, en plus Elle baragouine l’englische, c’t’Parque.
Le chat qui n’en loupe jamais une, essaye de lui croquer un orteil, et mon amas d’ossements décharnés se met à danser macabrement de plus belle, encore plus pathétiquement, je crois, mais je ne regarde pas Danse avec les stars aussi, donc mon jugement n’est pas très avisé sur la question. Bref, Elle se casse la gueule sur le béton, mais alors bien comme il faut. C’est marrant d’ailleurs le bruit des os qui s’entrechoquent, comme des lithopones. Et surtout, Elle ne bouge plus. Elle est morte ou quoi ? On dirait ainsi un transi. Je me penche sur Elle, je ne vais tout de même pas lui faire du bouche à bouche ! Mon chat en profite pour commettre enfin son larcin et repart donc avec un fragment. Relique qui s’avérera finalement n’être qu’un os de mouton, même la Mort est en toc, on ne peut se fier à rien en ce bas monde, tsss… Elle finira par repartir, non sans m’avoir rerépéter, genre, je suis vraiment bouché à l’émeri, que le time’s on my side – ricanements lugubres en sus. En revanche bien sa sortie, on aurait dit du Tim Burton, franchement sur ce coup, j’ai été épaté. Bon, soulagé qu’Elle se casse, enfin, hein, même si la musique était bonne, mais c’est surtout qu’il a fallu ramasser toute la foutue poussière qu’Elle m’a laissée sur le palier. Je vous jure les gens aujourd’hui ! (oui, je sais, c’est péché de jurer, je vais finir par le savoir !).
