Sommaire
En avoir gros sur le cœur
Et plein les godasses
Me lève, en tombant du lit, que ça fait bong, et que ça bave aussi, l’œil vitreux, un peu rouge sur fond jaune. Si j’ai pu dormir aussi bien cette nuit, que mon chat s’est incrusté aussi bien dans mes genoux, c’est que le zigue que je suis, il ne bougeait plus, complètement assommé, sauf pour ronfler comme un sonneur. Et là, je dois dire que c’est la faute au rhum planteur arrangé avec plus d’alcool de sucre que de sucre et autres fariboles qui diluent le goût de l’alcool presque pur et que j’aime bien, avec cette impression de ne plus avoir de papilles, de bouche, juste un trou denté où verser sans façon la rinçonnette à gros glouglou. Quand c’est fait avec classe, ça pose son homme.
Mais ce matin, je me réveille la gueule dans le gaz, les dents explosées dans le parquet, la bouche en carton, les mains débiles, les jambes tout autant et molles, que c’est qui ce con qui n’a pas coupé le manège ? En chaussettes et le calcif de traviole, je rallie la cuisine et essaye péniblement de me faire un café, que j’attends qu’il coule avec l’impression d’avoir le cirque Pinder dans la calebasse avec en clou du spectacle le chat qui miaule à tue-tête pour sa ration de croquettes que ça fait deux jours que je me rends compte que je pionce, merde, quand même. Je me trompe, entre le sucre et les croquettes, mais le goût ne parvient pas à me gêner tellement je suis en vrac, par contre le chat ne comprend pas pourquoi elle se retrouve avec un demi-kilo de sucre dans sa gamelle. Vexée, elle se casse, grand bien lui fasse.
La cloche profite de ce moment de dédain félin pour sonner agréablement. Ça change. Je ramène donc mon mug Bah humbug ! à la porte, suivi du fantôme humain que je suis. J’ouvre et je slurp une gorgée de ce délicieux café aromatisé, que finalement, j’aime bien le goût. Légèrement fumé, là. Et croquant.
Et je ne comprends pas.
Alors je me gratte, devant ou derrière, je ne sais plus trop, mais en tout cas, je me gratte. Le temps que je comprenne. Et ça me demande du temps.
C’est quoi encore ce binz ?!
Tout est pastel, avec des paillettes, même un arc-en-ciel, si, et un gros marmot, gras, mais gros ! Des mains boudinées et tout qui tiennent un arc et des flèches, mal peints à la bombe dorée. Je recule quand même, ça peut être pris du temps à percuter mon neurone, mais il me flanque un peu la frousse le sauvageon, là. Et il volette dans mon chez-moi, à moi, mais comment qu’il fait ? J’avise mon café, que j’allonge avec une demi-bouteille de rhum, que j’avale aussi sec, et reste là, baba. Et lui qui fait des manières et volette le kiki à l’air et tout de paroles sucrées et qui sentent la guimauve à en être vraiment écœurant, que je n’écoute pas parce qu’il m’agace et que d’avoir ce gros bourdon rose dans mon salon, j’ai qu’une envie, c’est de le smasher en revers de volée avec un cri de bûcheron à la Björn Borg, mais je suis vraiment nul en foot, alors je suis obligé de subir son vrombissement bien grave, l’œil torve.
Je ne remercierais jamais assez l’alcool sur ce coup. Mon ventre, à son arrivée intempestive et toute suave, ruait déjà dans les brancards et bloblottait comme un chiotte bouché, et arriva ce qui devait arriver : un geyser de vomi le cueillit en plein vol. Vroutch ! Splaf-tch ! Collé au mur. Les plumes de ses ailes d’angelot à la con toutes jaunies brunâsses, sa face rougeaude constellée de taches de couleurs, vert, rouge, marron des croquettes. Et lui l’air con, mais con ! Moi, ça allait beaucoup mieux, mais je me suis senti obligé, pour que le travail soit bien fait quand même, on n’est pas des barbares, d’en remettre une deuxième couche dans un spasme, puis même une troisième, dans un dernier hoquet. Voilà. Propre. Il finit par glisser jusqu’au sol, et en rampant, par quitter mon chez-moi, bordel. Le chat passe, crâneur, une souris dans la gueule.
