Une onde qui file, jaillissement froid et lumineux dans ce sombre
Écrire. Écrire, presque sans réfléchir, comme une forme de trop-plein qui se vide doucement alors que la citerne est pleine de pluie, de feuilles mortes et de branches, pourrissantes. Et dégueule sans bruit dans une mare boueuse, noire, piquée d’herbe fluo d’en être trop arrosée. Traces de sabots, de pattes.
Une chose me paraît bizarre, c’est, que pour décrire mes sentiments bien tristes et gris, je convoque presque systématiquement des sensations vécues il y a bien trop longtemps, enfant. Ce sont donc des images de nature qui me reviennent. Celles vécues, et celles lues. Trop long de tout convoquer, mais c’était, il y a si longtemps ! Pourquoi m’en souviens-je maintenant, moi qui vis désormais dans un environnement trop plein de béton ?
Je goûte par le simple souvenir la saveur sèche de la poussière que des rafales de vent fait voler, le froid mouillé des plumes d’un jeune oiseau tombé du nid, encore chaud, vivant, bientôt mort, la brûlure du soleil sur les rétines ou bien le sombre intimidant des sous-bois que j’explore la peur au ventre en glissant sur des feuilles tombées en couche épaisse au sol, le rendant fuyant sous mes groles trouées, les ombres glissantes au vent printanier, les cailloux incroyablement durs qui s’entrechoquent dans mes mains avant que je ne les lance dans un lac que je désire traverser à la nage, et je le ferais, frigorifié, mais têtu.
Retour à l’insouciance, volonté sourde. Fuir cette grisaille, m’y employer de toutes mes forces. Enfin, de toutes mes forces, c’est vite dit… Comme je le peux. Fuite au ralenti digne d’un dessin animé Looney Tunes. Tragique et touchant, et quand même rigolo. Je ne peux pas m’empêcher de trouver mon attitude et mes actions pitoyables et désespérément drôles d’inaboutissement faute de moyens. Englué, je suis englué dans de la mélasse, ni plus, ni moins. C’est donc rigolo, mais bien fatigant quand même. Allez faire comprendre ça aux donneurs de leçons, que c’est facile, il n’y a qu’à ? Foutus cons.
Alors je pose mon cul, ni gros, ni maigre, et je regarde comme un idiot ce monde qui va désormais trop vite pour moi et pour lequel franchement, je ne me sens pas vraiment taillé. Immature, désespérément immature. Et déjà par trop « vieux ». Je crois presqu’entendre, presque, le sempiternel « mais que va-t-on faire de toi ? » Qui condamne avant même d’avoir essayé de voir, de faire confiance. J’ai un gisement pétrolifère qui suinte de bitume dans mes entrailles et le seul truc que j’arrive à en faire, c’est de l’écrire. Oh ! Pas de la grande littérature, il ne s’agirait pas se prendre pour je ne sais quoi. Visiblement, on veille au grain, il ne s’agirait tout de même pas que je finisse par poser mon cul sur la commode non plus ! Parce que se prendre pour un « artiste », il ne faut pas abuser non plus, ça, c’est pour les grands, ceux qui savent, qui ont leurs lettres !
Alors, un peu piteusement, un peu d’évitement, un peu de fatigue, je me tais, mais j’écris. Parfois, je fais photo. Une autre forme d’écriture. Et j’essaye de laisser filer ce trop-plein sans faire de bruit, noyant les insectes et faisant empreinte de tout animal qui passe.
